Frédéric Grelier de Concize, du survivant de la Virée de Galerne au cavalier napoléonien
Il y a quelques mois, je vous ai fait connaitre le destin de Jean Allard, jeune paysan ayant survécu à la Virée de Galerne ; cette fois-ci, voici celui d'un noble ayant échappé de justesse à la mort grâce à son jeune âge, Frédéric Grelier de Concize (Concise, Consize, Conscize…). Grelier n’est pas un patronyme tout à fait inconnu pour toute personne s'intéressant aux Guerres de Vendée. En effet Pierre Grelier écuyer seigneur de la Jousselinière dépendant de la Chapelle-Themer, capitaine du château de Fontenay en 1555 et ayant embrassé le Protestantisme eut une nombreuse descendance ; et les branches parentes de la Jousselinière, du Fougeroux et de Concize donnèrent, que ce soient durant les événements de l’Ouest ou dans l'armée des Princes, de nombreux combattants pour la cause Royaliste.
Avant la défaite de Cholet.

Frédéric Louis Charles Grelier de Concize était né en 1781 à Rochefort[1]. Son père Roland Charles Auguste, longtemp capitaine de vaisseau, chevalier notamment de l'ordre de Malte, de Saint-Louis, de l’ordre de Cincinnati[2], devenu major général de la Marine avait rencontré dans cette ville de Rochefort sa future épouse Suzanne Eléonore de Chavagnac, elle-même fille d’une longue lignée d'officiers de la Marine[3]. Nous savons qu'une soeur aînée de Frédéric Camille Cécile Eléonore née à Rochefort en 1775 était encore vivante pendant les guerres de Vendée[4].

Lors de l'assemblée des Etats généraux de la Noblesse du Poitou, leur grand-mère paternelle, née Cécile Des Mesliers et veuve depuis plusieurs années d’un capitaine de vaisseau du Roi[5]et leur père coreprésentèrent respectivement les Herbiers et Les Epesses[6]. Dès 1790, Roland Charles Auguste émigra pour rejoindre l’armée des Princes, où il fut chef de section dans la 7e compagnie du corps de la Marine[7]. Son épouse et ses enfants partirent très certainement dès 1792 au logis de Concise aujourd'hui disparu[8]. Frédéric avait été précédemment placé en pension à Niort.

Leur oncle paternel Philippe, alors âgé de 44 ans, connu sous le nom de chevalier de Concize y séjournait aussi régulièrement[9]. Ce dernier, dès le début de l'insurrection Vendéenne devint commandant des Herbiers (dès le 20 mars 1793)[10]. Il appartint ensuite à l’armée du Centre de Royrand qui l'avait choisi comme général en second[11]. Au moment de la bataille perdue de Châtillon-sur-Sèvres (aujourd'hui Mauléon) en juillet 1793, la Marquise de la Rochejaquelein dans une version de ses Mémoires fait part d'une rencontre avec lui et la mère de Frédéric :
" [...] Nous nous mîmes en marche pour le Herbiers; nous nous arrêtâmes à Concize, le chevalier étant venu nous y inviter de la part de sa belle-sœur, femme d'émigré, qui y était avec sa fille et un fils très enfant. Nous les trouvâmes occupés à se mettre du rouge et à faire semblant d'avoir une attaque de nerfs; elle nous reçut à merveille, nous y vîmes le prince de Talmont, qui arrivait de Nantes; mon père, qui en venait aussi, nous avait rejoint un peu avant.[...]"[12]
Dans ce court passage, un détail important concernant Frédéric alors âgé de 12 ans et demi est donné c’est celui de ‘fils très enfant”, cela lui sauva certainement la vie quelques mois plus tard.
La Virée de Galerne.
Ce n’est qu’après la défaite de Cholet, comme beaucoup d’habitants de cette région, que le destin de cette famille changea tragiquement ; qu’ils demeurèrent en Vendée ou qu’ils suivirent l'armée outre Loire dans ce qui est connu aujourd’hui comme la virée de Galerne, peu d’entre eux survécurent.
Ainsi, la grand-mère paternelle de Frédéric, restée sur les Herbiers, fut arrêtée le 24 novembre par le comité révolutionnaire de Cholet car “ci-devant noble et mère d’un chef d’armée catholique avec lequel elle a communiqué”[13]. On saisit chez elle des documents compromettants dont un compte-rendu de la bataille de Thouars[14]. Elle décéda à l’âge de 78 ans dans les prison de Doué la Fontaine le “16 du quatrième mois de l‘an second”[15]. Madame de Sapinaud donna des précisions dans ses mémoires :
“(...) Ils (les Républicains) prirent aussi Mme de Vaugiraud et la pauvre bonne femme de Concise. Ces deux dernières furent menées à Doué, elles y moururent toutes les deux de misère et de mal, car la pauvre bonne femme de Concise qui avait près de 80 ans ; en descendant un escalier, il y en eut un qui lui donna un coup de pied et la jeta du haut en bas. Elle était meurtrie depuis les pieds jusqu’à la tête, elle mourut au bout de huit jours.”[16]
Frédéric, sa mère et sa soeur furent emportés dans cette longue marche que fut la Virée de Galerne suivant certainement le chevalier de Concize ; mais se trouvant surtout sous la protection de Philippe Joseph Perreau dit aussi quelquefois le marquis Chambona de Perreau[17].
Comment on redécouvre Frédéric à Ernée en Mayenne.
Un des premiers historiens des Guerre de Vendée, Alphonse de Beauchamp indiqua dès 1808, la fin tragique de Perreau :
“Pérault, blessé grièvement au pied, suivit Talmont, et le quitta ensuite pour sauver un enfant qui lui avait été confié par une mère expirante. Il le tenait en croupe sur son cheval lorsqu’il fut arrêté à Ernée. Il se dénonça lui-même, espérant obtenir sa grâce après quelques aveux ; mais il ne put échapper au comité révolutionnaire d’Ernée, qui malgré le général Beaufort, se hâta de l'envoyer au public, alléguant qu’il n'avait jamais vu fusiller. On voulut faire mettre Pérault à genoux et lui bander les yeux. “Non, dit-il, je sais affronter la mort, je ne regrette, en quittant la vie que de voir des français transformés en assassin.”[18]
L’historien royaliste Crétineau Joly, hagiographe des Vendéens, se permit quelques détails supplémentaires :
"Perreau, ancien officier des troupes bleues de la marine, et général en second de l’artillerie royaliste, était blessé au pied. Il suit le prince de Talmont dans sa retraite. Sur la route il voit une femme mourante, une mère qui le supplie de prendre pitié de son enfant. Perrault veut, au péril de ses jours accepter ce testament, dont il était digne d’être l'exécuteur. Il place en croupe la petite créature et il chemine ainsi à travers la campagne. Arrivé à Ernée, il se dénonce lui-même devant le général Beaufort, qui touché de sa confiance, s’engage sur l’honneur à le sauver avec l’orpheline qu’il adopta. Mais le Comité révolutionnaire d’Ernée déclare, par procès-verbal, qu’il n’a jamais eu le plaisir de voir fusiller des royalistes, et il exige que cette tête lui soit offerte. Une aussi démocratique curiosité fait l’objet d’un considérant qu’on lit encore sur les registres de ce club. "[19]
Précédemment dans Les Fastes de la gloire, ou les braves recommandés à la postérité[20] étaient repris des passages du dossier que Beaufort (ou Beaufol) enjoliva à la Restauration :
“ A Ernée, il voulut sauver un ancien officier de la marine le major Peyreaux qui, dangereusement blessé, fut arrêté et dévalisé par les habitants, au moment où il fuyait, ayant en croupe un enfant de sept ans qu’une mère expirante avait confié à ses soins. Après avoir fait restituer au major les objets qui lui avaient été pris, il déclara au Comité révolutionnaire que Peyreaux était sous la sauvegarde des lois. Quelques jeunes gens d’Ernée demandèrent à le fusiller. – « Il faut lui mettre du plomb dans la tête, disaient-ils, nous n’avons jamais vu d’exécution de ce genre. » “- c’est un beau spectacle ! répliqua le général : allez,-vous êtes indignes du nom de français ; vous n'êtes que de vils assassins, sortez de ma présence”. Ils parurent un instant honteux de leurs démarches ; mais le général ayant été obligé de s’éloigner pour faire la visite de ses postes, ils brisèrent les portes des prisons, et immolèrent Peyreaux.”
Ce très jeune enfant cité était en fait Frédéric alors âgé de 13 ans rappelons-le “‘fils très enfant” selon la Marquise de a Rochejacquelein. Selon le faux laisser-passer découvert en sa possession, voci sa description physique : “taille de quatre pieds six pouces[21], visage rond, front quarré, cheveux et sourcils bruns, les yeux ronds, néd relevé, Bouche moyenne et Élevée, menton Rond”[22].

Frédéric avait suivi sa mère et sa soeur jusqu’à Ancenis, mais, comme pour la très grande majorité des derniers survivants de cette Virée, ils éprouvèrent des difficultés infranchissables pour retraverser la Loire. Sa mère ne voulut pas suivre les restes de l’armée qui finit tragiquement à Savenay et confia son fils à Perreau. Ce dernier muni lui aussi d’un faux passeport d'un dénommé Anjou[23] était accompagné de son domestique Louis Planet âgé de vingt ans et originaire de Cholet. Frédéric et Pierre Chagnon originaire de Charente et âgé de trente ans domestique de la famille Grelier suivaient Perreau. Un jeune garçon de 14 ans appelé Pierre Pellot, aussi domestique de Perreau les accompagnait. La capitale était leur destination.
Toutefois, ils furent arrêtés à Bazouges-du-Désert aux abord d’Ernée. A la vue de la belle prise, le Comité révolutionnaire d'Ernée avertit la Commission militaire provisoire dite Clément[24]. La Commission se déplaça aussitôt dans cette commune, et interrogea les prisonniers. Furent jugés en même temps qu'eux, un dénommé Charles Guibert de Bournezeau âgé de 16 ans admettant avoir accompagné les rebelles, et François Haye âgé de 12 ans de Château Gonthier ayant suivi l'armée des rebelles au passage de cette ville. En effet, un soldat Vendéen lui avait indiqué qu'il y trouverait "facilement dans cette armée, les vivres qu'il allait demander, étant réduit à la mendicité, sans aucun parent, n'ayant eu, par conséquent, jamais le discours formel de se revolter contre la République."
Voici des extraits de l’interrogatoire de Perreau concernant Grelier :
“ (...)Interrogé s'il connoît la mère de l'enfant, dit Grellier, qui est avec lui, et où il l'a rencontré : a répondu qu'il la connoît très bien, qu'il la rencontrée en Poitou, qu'elle se nomme Chavagnac.
Interrogé si cette femme avoit connoissance de sa mission et de sa correspondance : a répondu que nullement (...)[25]"
Voici celui de Frédéric montrant une certaine candeur dans l'honnêteté de ses réponses due à son âge :
“Copie de l’interrogatoire que subi frederic guillaume Grellier, Le co-détenu du nommé Perreau le sept nivose, l’an 2d de la république
Interrogé l’accusé quel est son nom, son age, le lieu de sa naissance, a répondu se nommer frederic grellier dit Concis, agé de treize ans, environ, né à rochefort, département de la Charente inférieure.
int s'il a encore son pere et sa mere, a Repondu que son pere etait emigré depuis trois ans environ, que sa mère etait restée à ancenis dans la ruée des rebelles.
int si son père était noble, a repondu, qu’oui, qu’ il avait une maison de campagne..
int quelle éducation il a eu, a repondu, avoir eté mis en pension à niort, qu’il en etait sorti depuis deux ou trois ans, qu’il n’y apprenait qu'à lire, qu'il avait une soeur agée d’environ seize ans qui était avec sa mère.[26]
int s'il a toujours suivi sa mère, a répondu, qu’oui jusqu'à ancenis, où il la laissé parce qu’elle ne voulait plus suivre la ruée.
int quand Elle a parti de Rochefort, a répondu qu'elle a quitté da maison de campagne avec anjou-perreau son Codétenu.
int. qu'elle connaissance sa mère avait avec luy, a repondu qu’il était de la meme ville qu’elle.
int s il est noble, a répondu qu’il n’en savait rien.
int. Ce que cet anjou disait etre a la Campagne de sa mere, a répondu qu’il était de l’armée des brigands de vendée, qu’il avait emmené sa mère de sa campagne Lorsqu’ils avaient parti du poitou et qu’ il avait toujours accompagnée jusqu’ a son retour a ancenis, où il l’avait laissé.
int.depuis quant avaient ils passé la Loire a repondu depuis deux ou trois mois.
int s’il se rappelait bien les endroits par où il a passée a répondu qu’il avait passé à Varade, Chateaugontier, laval, mayenne, Ernée, fougères de là dans la bretagne et qu’on était revenu à angers, que le sieur anjou perreau avait toujours suivi et qu’il croit qu’il était officier d’artillerie.
int quand cet anjou perreau sortait, s’il l'accompagnait, a répondu que non, qu’il restait en arrière
int comment les soldats le nommaient a répondu qu’on le nommait Commandant
int s il connaissait les généraux de son armée a répondu qu’ils s appelaient La Rochejaquelein, des Essarts, le prince Talmont, marigni, stofflet, qui commandait l’avant garde comme adjudant major, de Lirot
int s'il connaissait de ces femmes, de ces pretres, de ces eveques qui suivirent l’armée a répondu qui connaissait l’eveque d’agra, le femme D’anisson (Donnissan), la femme de Lescure, la femme des Essart, la fille de Lirot.
Int que sont devenus toutes ces personnes a répondu qu’il en avait eu beaucoup de tués au mans, que la Rochejaquelein et stofflet avaient été tués dans une métairie après le dernier passage de la loire, lorsqu'ils ont tenté la dernière fois à ancenis.
int s'il y en a d autres qui ayent péri, a répondu qu’il n'en scait rien, que Des Essarts avait été blessé au Pied.
int si a son départ d'ancenis, ils étaient encore en grand nombre, a répondu que l'armée était debandée.
int s'il y en eu beaucoup qui ayent passé la loire, a répondu que beaucoup de soldats avaient essayé de passer par des tonneaux joints avec des morceaux de bois mais qu’ils s’étaient noyé en grand nombre, que ceux qui étaient déjà passés poursuivies par les troupes républicaines, avaient voulu repasser promptement mais que beaucoup avaient Péri.
int s'il connait le plus grand des autres détenus avec luy, a répondu que c'était le domestique de sa mère depuis tro