Quelques traces de brigands Vendéens dans les registres de décès de Nantes en l'an 2.
Christelle Augris
Lors de certaines recherches historiques, l’état civil est une source à ne pas sous-estimer ; notamment lorsque ces recherches concernent des évènements extraordinaires impactant la population locale. Toutefois, quelquefois l'absence d'actes peut interpeller. Prenons l'exemple des registres de décès dans l'’état civil de Nantes vers nivôse an 2. Registres qui furent, précisons-le, consultés de manière indicative et non exhaustive.
Mise en contexte historique
Cette période est choisie car elle correspond à la fin tragique de la virée de Galerne lors des sanglantes batailles de Nort-sur-Erdre et de Savenay confrontant les restes de l’armée Catholique et Royale avec les troupes Républicaines. Une partie des civils de la zone insurgée avait suivi l’armée Vendéenne lors de son passage de la Loire ; et ceux qui avaient jusqu’alors survécu, soit se terrèrent dans le nord du département, soit essayèrent de regagner la Vendée en tentant de franchir la Loire, ou encore se livrèrent en espérant une hypothétique amnistie. Une multitude fut donc fait prisonnière, et ces enfants, femmes et vieillards rejoignirent dans les prisons nantaises les soldats n’ayant pas été pris les armes à la main (ceux-ci étant généralement dès leurs arrestations fusillés sans procès). Une partie des Vendéens fut déférée dans ces prisons où, même s’ils passaient devant un tribunal révolutionnaire ou une commission militaire, n'avaient quasiment aucune chance d'avoir la vie sauve. Après leur exécution leurs décès ne furent pas mentionnés dans les registres d’état civil, et ils furent inhumés anonymement dans des fosses communes. De plus, à Nantes sévissait Carrier qui, avec l’aide de ses subalternes, avait décidé d’éliminer ces brigands par tous les moyens. Ainsi, à l'automne 1793, il avait commencé à expérimenter la noyade comme méthode d'extermination sur des prêtres réfractaires trop âgés pour la déportation.
Cette quasi inexistence de décès enregistrés dans les registres d'état civil par rapport aux évènements sanglants de cette période à Nantes démontre, s'il en était encore nécessaire, la difficulté à chiffrer le nombre de victimes des guerres de Vendée (à lire sur le sujet "Détruisez la Vendée" sous la direction de Jacques Hussenet CVRH 2007). Pour en savoir plus sur des recherches les concernant, voir la page des archives départementales de Loire-Atlantique "Les condamnés à mort sous la Révolution." Et, n'oublions pas les ouvrages d'Alfred Lallié, un des premiers à s'être penché sur ce sujet (Les Noyades de Nantes, Les Prisons de Nantes, La Justice révolutionnaire à Nantes et en Loire-Inférieure...)
Les Noyades
Quelques actes de ces prêtres furent enregistrés sur les registres de Chantenay (voir l'article Des prêtres noyés en Loire et inhumés à Chantenay en 1793 sur le site Vendéens et Chouans)

(Arch. Municipales de Nantes, registres des décès de Chantenay-sur-Loire -
1793-an 3 - cote 2z 291)
Mais on trouve aussi, quelques autres actes indiquant des noyades ne semblant pas accidentelles et qui nous laissent dans l'expectative.

acte datant du 17 décembre 1793 d'un inconnu noyé ayant un bras attaché
(victime d'un meurtre ou prêtre noyé ?)
Arch. municipales de Nantes -1793- an 2 section Voltaire et Brutus - cote 1E 32

acte de décès du 12 décembres 1793 d'un noyé ayant reçu des coups de fusils et de baïonnettes. Un Vendéen n'ayant pas réussi à franchir la Loire ?
Arch. municipales de Nantes - 1793- an 2 section la Montagne et Scévola - cote 1E 28 f157
Mais, d'autres traces concernant les brigands, (terme donné aux combattants de la Vendée militaire et à leurs familles) existent tout de même, mais elles sont rarissimes !
Brigands
Voici glanés au fil des registres quelques actes de décès dans les prisons pouvant laisser penser avec plus ou moins de certitudes que c'était des "brigands".
Prison de l'Entrepôt
Carrier organisa la disparition des Vendéens jetés dans la prison de l’Entrepôt. N’ayant même pas eu droit à un procès, et donc sans laisser aucune trace écrite nominative (pas de registres d'écrou), ceux qui survécurent aux maladies furent soit fusillés après passage devant la commission Bignon installée à Nantes depuis le 29 décembre 1793, soit noyés. Des 8 à 9.000 prisonniers, il y eut peu de survivants.
En fait, trois actes de décès parmi les prisonniers de l'Entrepôt datant du 22 décembre 1793 sont enregistrés à l'état civil. Étant nt certainement les seuls actes officiels avant qu'une chappe de plombs voulue s'abatte sur les horreurs commises entre les murs de cette prison.



les trois actes
Arch. municipales de Nantes - 1793- an 2 section Voltaire et Brutus - cote 1E 32 f.97
Prison du Bouffay
Sur les registres de décès de l'état civil de Nantes, on retrouve régulièrement mention de civils décédés au Bouffay sans que les raisons de l'emprisonnement soient indiquées (détenus de droit commun, suspects...), pour connaitre le motif d'incarcération, il faut consulter les registres d'écrou de la prison qui sont consultables aux Archives départementales en série L).
Voici quelques actes de civils :


Arch. municipales de Nantes -1793- an 2 section La Montagne et Scévola - cote 1E 55 f.7

Arch. municipales de Nantes- an 2 -section La Montagne et Scévola - cote 1E55 f17

Arch. municipales de Nantes- an 2 section La Montagne et Scévola- cote 1E55 f32

Arch. municipales de Nantes- an 2 section La Montagne et Scévola - cote 1E55 f35

Arch. municipales de Nantes- an 2 section La Montagne et Scévola - cote 1E55 f39
Il existe plusieurs autres actes de civils décédés au Bouffay durant cette période, et il est tout aussi difficile sans recherches complémentaire à déterminer s'ils étaient des brigands ou non.
Les prisons flottantes
Sont aussi quasiment absents dans les registres de Nantes, les décès dans les galiotes transformées en prison, sauf …